A l’instar de la Transylvanie, à cheval sur la Roumanie et la Hongrie, la Patagonie est une région qui s’étend sur le sud de l’Argentine et du Chili.

Le Samedi matin nous avons donc pris un bus très tôt ( 5h30 ) et quitté notre camping pour traverser la frontière et rejoindre , en 6h de trajet, la partie pacifique de cet immense territoire qui couvre X fois la superficie de la France.

Les enfants avaient accepté sans trop de difficulté de se rendormir pour finir leur nuit, après notre promesse de les réveiller si nous croisions quoi que ce soit d’intéressant sur le parcours.

En effet Eliott avait été très déçu de n’avoir pas vu de Guanacos (petits ruminants de la famille des lamas) sur notre chemin pour aller voir le glacier, malgré les pistes que nous avions empruntées. Nous avions appris par la suite qu’ils ont tendance à sortir assez tôt le matin et nous les avions probablement manqués.

J’allais enfin sombrer dans le sommeil, environ une heure après notre départ, lorsque Marion s’écria de regarder de son côté : entre les nombreux guanacos, les nandus et les rapaces, les enfants restèrent collés au vitres et ne sentirent pas la durée du trajet.



Dès que nous franchissons la frontière argentine, le paysage change : moins arides, les montagnes se couvrent de conifères et on distingue de l’herbe entre les buissons.

La frontière chilienne restera marquée dans nos mémoires par la confiscation des pommes de Marion, achetées à prix d’or et jalousement conservées pour notre pique-nique : les douaniers n’ont rien voulu savoir, ni même nous les laisser manger dans le local.

Nous pensions à un zèle mal placé , mais nous allions vite nous rendre compte que les locaux n’étaient pas hostiles qu’aux fruits mais bien à tout un tas de chose venant de leurs voisins, et particulièrement les argentins eux-même.

 Nous voici sur la "route de la fin du monde" !




Nous sommes arrivés dans un joli petit port, bien plus petit que la ville d’El Calafate.

 A chaque arrivée dans un nouvel endroit nous étudions la carte qui nous est remise par l’office du tourisme, ne serait-ce que pour évaluer les distances entre nos hôtes, les points d’intérêt ou de ravitaillement. Malheureusement, sur ces petits plans il y a rarement une échelle, et nous en avons un peu pâti à Calafate, la « petite » ville étant très étendue en superficie et chaque déplacement avec les bagages et les enfants étant ainsi rendu fastidieux surtout quand il n’existe pas de réseau de bus. Nous avons d’ailleurs fait du stop à plusieurs occasion, ce qui nous a été garanti comme tout à fait commun dans cette région et ne présentant pas de danger – sauf peut-être pour une femme seule la nuit, mais certainement pas en journée et avec des enfants. Nous avons alors pu constater que le protocole de sécurité des enfants à bord n’a rien à voir avec le nôtre, cela ferait bondir notre copine Maryline, responsable du site Sécurange …

Les sièges autos ne sont obligatoires que jusqu’à 24 mois, et apparemment les ceintures de sécurité à l’arrière sont optionnelles. Nous voyons donc régulièrement des taxis ou des voitures personnelles blindées avec 3 adultes à l’arrière, tenant sur les genoux 3 enfants, ainsi qu’un passager à l’avant, parfois aussi tenant un bambin !

D’ailleurs, quand nous avions loué la voiture à notre étape précédente, nous avions du insister pour qu’on nous prête un siège auto pour Eliott.

La première voiture qui nous a pris en stop était composé d’un homme au volant, d’une femme à ses côté et une petite fille de l’âge d’Eliott qui gambadait à l’arrière. Dès qu’ils nous ont vu, la gamine a sauté sur les genoux de sa mère et ils nous ont laissé la banquette arrière, où nous avons chacune pris un enfant sur nos genoux. Le pare-brise de la voiture étant fendu sur de grandes parties nous avons craint qu’avec le vent, il ne tombe !

Evidemment il s’agissait de courtes distances (2 ou 3km tout au plus) et les routes n’étaient pas très fréquentées (limitant ainsi nos risques d’accident) et la vitesse était aussi fort réduite – car par contre ils sont très scrupuleux de la législation à ce sujet : 40 max en ville et agglomération, 60 sur les pistes (mais en fait on roule à 30km/h maximum).

La 2eme était conduite par une professeure de littérature espagnole qui conduisait ses trois jeunes enfants à l’école.

Je note quand même qu’aucun des nombreux gros 4X4 avec unique conducteur ne s’est jamais arrêté pour nous ( alors qu’ils avaient manifestement plus de place ) et ce sont toujours des personnes avec des voitures modestes et peu de moyens qui nous ont dépannés.

J’en reviens donc à mon histoire de plan : cette fois bonne surprise, toutes les distances sont minuscules et nous sommes à 10 minutes de marche maximum de tous les points stratégiques de la ville.

Nous logeons chez Gloria, qui tient un petit restaurant ( une vingtaine de couverts ) et une petite agence de voyage. Elle a quelques chambres qu’elle loue sur AirBnB et qu’elle laisse aux couchsurfers quand elles ne sont pas réservées. Parallèlement, elle organise des sorties touristiques dans la région, et l’annonce clairement sur sa page. Ainsi, ses CS ne sont pas obligés de choisir leurs excursions chez elle, mais elle apprécie qu’ils le fassent car elle les dépanne et eux font tourner son petit commerce.

Nous avions donc convenu avec elle avant notre départ qu’elle pourrait nous loger 2 nuits, et que nous lui achèterions une journée d’excursion à Torres del Paine, un parc lacustre et montageux grand comme le Luxembourg ( le pays, pas les jardins ! ) incontournable merveille naturelle que nous projetions de visiter.

Elle ne parlait pas anglais et nous peu d’espagnol et cela a rendu notre séjour un peu difficile.

Notre arrivée l’a surprise : je crois qu’au milieu de tous ses couchsurfers et invités, elle nous avait oubliés. 7 personnes occupaient les chambres disponibles mais elle nous dit de ne pas nous inquiéter, elle nous trouverait toujours de la place. Il restait un petit bureau auquel il manquait des murs … qu’à cela ne tienne, son mari et un voisin se sont mis au travail et le soir même ils avaient construit une chambre avec des murs en bois, une fenêtre à peu près correctement isolée et 2 lits assez grands pour nous contenir tous les 4.

Chacun entre et sort comme il veut : il y a toujours quelqu’un à la maison. Mais la règle exige que le soir, on mange tous ensemble !

Nous avons croisé un argentin, un espagnol, une étudiante américaine et sa mère, une famille australienne et quelques autres avec lesquels nous n’avons pas eu le temps de familiariser.



Oscar, patriote convaincu, nous a raconté comment, à l’âge de Gabriel, il avait vu des gens se faire fusiller par l’armée au moment du putsch qui a renversé le président Salvator Allende pour établir la dictature du général Pinochet. Il nous a expliqué les tourments du peuple chilien et leur rancœur envers les USA qui avaient fomenté ce coup d’état qui allait leur coûter 40 années de souffrance … et aussi comment les péruviens s’étaient alliés aux boliviens pour les attaquer pendant que les argentins leur volaient une grande partie de la Patagonie. Avec Marion, nous ne pouvions que déplorer nos lacunes en histoire de l’Amérique du Sud ; il est vrai que – hormis quelques fragments parcellaires de culture générale glanées au détour d’un livre ou d’un documentaire, nos ignorons tout de la chronologie de cette partie du monde depuis les civilisations précolombiennes, cela ne faisant partie d’aucun programme scolaire.

J’ai entendu mes parents en parler, parfois, mais il s’agissait de faits d’actualité pour eux à une époque où je n’étais pas née. Je pense que beaucoup de ma génération ignore tout de cette période sombre pour les habitants de ce côté du globe, pour qui la date du 11 Septembre signifie bien autre chose que pour les gens de mon âge.

Oscar nous a donc déconseillé de parler anglais de prime abord, mais plutôt d’avoir recours à cette langue après avoir signifié que nous étions français, et qu’ainsi les locaux seraient plus enclins à nous aider.

Cet homme était passionnant quoique profondément désabusé, en revanche il adore la France et la Culture française.

Après une journée au parc de Torres del Paine , que narreront Gabriel et Eliott dans un prochain billet, nous embarquerons sur un ferry qui traversera les fjords sur 3000 km pour nous amener jusqu’à Puerto Montt, atteignant ainsi de Patagonie.